Sofi Jeannin, femme de choeur

Juillet 2018

Déjà dix ans que la Maîtrise de Radio France, choeur d’enfants et école d’excellence, a implanté une antenne à Bondy, où sont déjà passés près de 200 enfants. La mezzo-soprano suédoise Sofi Jeannin, directrice musicale de la Maîtrise et de l’antenne bondynoise depuis ses origines, répond à nos questions sur cette aventure. Et casse, au passage, quelques clichés…

❚ Il y a dix ans, Radio France a implanté une antenne de sa Maîtrise à Bondy. Pouvez-vous nous rappeler l’origine de ce projet ?

Le premier argument était artistique. La Maîtrise de Radio France, extrêmement sollicitée, ne parvenait plus à assumer toutes les productions. Il nous fallait élargir notre effectif, rajeunir nos chanteurs. D’où la nécessité de créer une antenne, que nous souhaitions installer dans un lieu différent de notre site d’origine parisien, pour toucher d’autres enfants. Nous voulions aussi l’inscrire dans une zone qui avait ce besoin fort d’un pôle d’excellence et nous avons dès le début instauré une relation de confiance avec la mairie de Bondy. Toni Ramon, mon prédécesseur, disparu en 2007, n’a pas pu voir son projet aboutir. Dès la première année, j’ai développé ce projet pédagogique avec l’équipe qui m’accompagne et nous l’adaptons régulièrement.

❚ Et vous avez recruté directement dans les écoles de Bondy…

Oui ! La Maîtrise de Radio France, au cursus gratuit, reste principalement connue des familles qui possèdent des affinités avec la musique classique. À Bondy, en dénichant nos petits chanteurs sur place, par des auditions dans les écoles dès le cours préparatoire, nous révélons que la musique classique et savante ne saurait être le privilège de quelques familles. C’est notre mission de service public.

❚ La musique classique a donc trouvé sa place loin des beaux quartiers !

Il faut se garder des clichés. Que ce soit dans les familles aisées ou non, en banlieue ou dans les centres des grandes villes, la musique classique se révèle en grave danger, dans notre société qui préfère l’amplification à l’acoustique. Et vous seriez peut-être surpris de constater qu’à Bondy, certains enfants nés dans des familles immigrées possèdent une meilleure culture du chant, du fait notamment de la transmission orale, plus présente. Un avantage ! Mais que ce soit à Bondy ou à Paris, le programme est le même et nous ne transigeons en rien sur nos exigences artistiques.

❚ Selon vous, qu’est-ce que la musique classique apporte aux enfants ?

La musique classique reste l’une des plus belles inventions humaines. Elle nous fait voyager dans des sentiments complexes, aux richesses incroyables. Et puis, comme tout ce qui vient élargir nos horizons et bousculer nos cadres de référence, elle apporte, dans la vie des enfants, des richesses qu’ils conserveront à vie.

❚ Après dix ans d’existence, quel bilan tirez-vous de l’existence de cette antenne ?

Un bilan très positif : nos élèves ont pris goût aux enseignements. Nous avons développé une Maîtrise plus conséquente et la réunion des élèves des deux sites – Paris et Bondy – pour les répétitions et les concerts, est devenue une habitude pour chacun comme si cela avait toujours été le cas. Et puis, de nombreux élèves de notre première promotion poursuivent la musique : au conservatoire, en groupe, etc. Au début, certains parents de Bondy ne savaient pas trop comment se situer, ils craignaient de ne pas savoir comment accompagner leur enfant dans l’apprentissage de la musique classique qu’il ne connaissait pas. Aujourd’hui, nous bénéficions d’un plein soutien et d’une grande confiance de la part des familles, très émues que leurs enfants rejoignent la Maîtrise. Et il y a aussi un soutien local très fort. Il y a dix ans, l’école Olympe de Gouges a été construite par la Ville de Bondy pour accueillir cette antenne, avec des salles de cours dédiées, qui sont également investies par le conservatoire après l’école. Et depuis 2013, nous profitons de l’auditorium Angèle et Roger Tribouilloy construit par Est Ensemble et la Ville, en partenariat avec Radio France, pour accueillir la Maîtrise et des concerts dans des conditions optimales mais aussi des cours de musique du collège et des cours du conservatoire.

❚ Quelles difficultés rencontrez-vous encore ?

Une, principalement. Bondy reste une zone où les familles se déplacent : changements d’emplois, de logements… Du coup, nous perdons des élèves en cours de route. J’en profite pour tordre le cou à un autre cliché selon lequel il serait difficile de faire chanter de la musique classique à caractère « sacré » aux enfants de confessions religieuses différentes de celle que véhicule l’oeuvre. C’est tout à fait faux. Les parents font très bien la part des choses.

❚ Dès la rentrée, vous dirigerez le choeur des BBC Singers, à Londres. Cela signifie que vous quittez Bondy ?

Surtout pas ! Je cède mon poste de directrice musicale du choeur de Radio France prochainement, mais je conserve la Maîtrise. Au-delà de l’épanouissement artistique et musical que cette direction me procure, j’adore me sentir utile : éprouver l’enthousiasme des élèves, voir leurs yeux briller à la découverte du répertoire ! 

Retrouvez son portrait dans le magazine n°35 d'Est Ensemble

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