Réaction de Gérard Cosme – diffusion du film J'accuse de Roman Polanski dans les cinémas d’Est Ensemble

Mardi, Novembre 19, 2019

Suite à l’interpellation de certain.e.s élu.e.s locaux et aux manifestations de colère et d’indignation quant à la programmation du film J’accuse de Roman Polanski dans les cinémas d’Est Ensemble, il m’est apparu important de m’exprimer et d’apporter certaines précisions.

Le réseau de cinéma public d’Est Ensemble est né de la volonté d’apporter au plus près des citoyens la culture et l’éducation à l’image, avec un cinéma de qualité à la portée financière de tous ; dans le deuxième territoire le plus pauvre de la Métropole, c’était à la fois un besoin et une absolue nécessité.

Pour ce faire, il paraissait peu crédible et peu souhaitable que la programmation relève d’un comité d’élu.e.s ou même du président. Aussi, le choix qui est le nôtre – et le mien – a été de laisser la liberté de programmation artistique aux directeurs des équipements.

Je tiens ici à réaffirmer cette liberté et c’est pourquoi je n’accèderai pas aux demandes de déprogrammation. J’estime que nos concitoyens sont suffisamment adultes pour décider ce qu’ils peuvent voir ou non, à condition que le choix qui est le leur soit éclairé et que toutes les voix puissent se faire entendre. C’est pourquoi les cinémas du réseau projetant ce film seront tenus d’organiser un débat en présence des associations et des élus qui le souhaitent et qui se sont exprimés en faveur de la déprogrammation.

Enfin, lors du conseil de territoire de ce mardi 19 novembre, les élus territoriaux auront à se prononcer sur la question de la liberté de programmation et pourront s’exprimer sur l’objet de ce communiqué.

Ceci étant dit, au regard de l’émoi, voire de la colère que suscite ce film, il m’apparaît important de donner ma position personnelle.

Ce film sort dans un contexte dont on ne peut faire abstraction. Il est celui de l’après #MeToo qui a permis une libération de la parole sans précédent. Je considère que, nous collectivement, ne pouvons faire comme s’il ne s’était rien passé. Cet épisode nous a vus nous réinterroger sur nos pratiques, au sein des organisations politiques, dans certains milieux professionnels, a mis en lumière les terrains de lutte comme l’égalité salariale, les violences faites aux femmes et la question des féminicides et des mécanismes qui y conduisent, y compris la culture de viol qui imprègne encore trop notre pays. Il reste beaucoup à faire mais avec la parole des premières concernées et leur volonté farouche de lutter pour leur émancipation, le chemin est connu et nous y arriverons. Je me compte parmi leurs alliés et aller voir le film de Roman Polanski revient à nier le courage de ces femmes qui ont pris la parole et qui par là même ont dû revivre les traumatismes liés aux agressions qu’elles ont subies pour faire avancer la lutte des femmes.

La promotion d’un film dont le réalisateur est soupçonné de violences à caractère sexuel, ne fait que raviver pour les victimes les souffrances passées et doivent interroger notre société sur la place que l’on accorde à un tel artiste. 

Ce film narre l’histoire du capitaine Dreyfus accusé d’intelligence avec l’ennemi du fait d’un complot antisémite. Cet épisode, qui a vu la France se déchirer, est un événement fondateur de notre République. Le parallèle que fait le réalisateur lui-même entre son histoire et celle du capitaine Dreyfus est tout simplement abject. L’affaire Dreyfus est au cœur de l’engagement de nombre de républicains dont je suis, et l’honneur bafoué d’un serviteur de la République accusé à tort parce que juif n’a rien de commun avec celle du réalisateur impliqué dans de nombreuses affaires, en plus de celle qui l’a vu reconnaître le viol d’une mineure de 13 ans.

En conséquence et à titre personnel, je n’irai pas voir le film de Roman Polanski et j’appelle les spectateurs à faire de même.